Robert Fortune

Pendant le confinement, j'avais envie d'évasion.
 
Alors pourquoi pas lire le diptyque Chinois de Robert Fortune ?
 
Robert Fortune (1812-1880) était un botaniste Écossais, qui se vantait d'avoir importé la culture du thé en Inde. Pour y arriver, il a dérobé des plants et recruté des cultivateurs Chinois.
 
Pour les Chinois, Robert Fortune était un voleur sans scrupule, qui a abusé de la confiance des Chinois.
Pour les Britanniques, il est l'homme qui a introduit la culture industrielle du thé. Lipton peut lui dire merci ! C'était d'autant plus essentiel qu'avec la révolution industrielle, la Grande-Bretagne avait besoin d'une boisson pour tenir les ouvriers éveillés.
En fait, Robert Fortune eu sans doute un rôle moindre que ce qu'il disait. Mais c'est lui que la postérité a retenu.

En 1843, Robert Fortune se rend à Hong-Kong. Suite à la victoire de la première guerre de l'opium, les Britanniques ont obtenu une colonie permanente et l'autorisation de visiter les visiter la cote.
 
Le jeune botaniste visite Hong-Kong, qui n'est encore peuplée que de quelques garnisons et d'une poignée de notables, décimés par les fièvres.
 
Il se vante de n'être pas un de ces romantiques qui s'extasient devant l'extrême-orient. Pour lui, par exemple, les temples ne sont que des édifices païens. Il aime pourtant se perdre dans les campagnes. Et pour ne pas être repéré, il apprend le mandarin et se déguise en notable Chinois. Néanmoins, jure-t-il, c'est uniquement pour accomplir au mieux sa tâche.
 
Son travail consiste à répertorier les plantes endogènes chinoises. Il se rêve en Alexandre de Humboldt. Il consacre un chapitre entier au thé (les espèces, la récolte, le séchage...) Mais dans Le Vagabond des fleurs, il s'étend davantage sur le cyprès de Chine. Il prétend que grâce aux plants qu'il a envoyé, cet arbre fleurit désormais dans tous les cimetières de Grande-Bretagne (d'où son nom latin de Cupressus funebris.)


5 ans plus tard, il retourne en Chine. Cette fois-ci, sa mission consiste à récupérer un maximum de plants de thé. Le thé Indien étant de trop mauvaise qualité. Entre temps, Hong-Kong est devenue un village et les occidentaux s'installent dans la concession de Shanghai.
 
La route du thé et des fleurs raconte ses deux expéditions, à l'intérieur des terres.
Il se rend d'abord dans le Zhejiang (alias Chê-Kiang), mais les plants pourrissent lors de l'expédition.
La deuxième fois, il pousse jusqu'au mont Wuyi (à l'époque appelé Bohea.)
Chaque expédition est une épopée. Ses assistants Chinois l'escroquent et menacent de le trahir (car les étrangers doivent rester sur la cote.) Il croise des aubergistes louches, des fumeurs d'opium et même des pirates, lorsqu'il prend la mer. Globalement, les Chinois trouvent rarement grâce à ses yeux. On touche le fond lorsqu'il retranscrit l'anglais parlé avec un fort accent chinois... A côté, Tintin au Congo ferait figure de livre progressiste !
 
Une fois de retour sur la cote, Robert Fortune embauche des cultivateurs de thé, souvent illettrés, qu'il envoi aux Indes. Le livre s'achève sur la mise en terre des plants Chinois.

Je ne bois quasiment jamais de thé. Ce qui m'a poussé à lire ce livre, c'est que sans le savoir, en 2010, j'ai effectué le même itinéraire que lui à travers le Zhejiang ! C'était d'ailleurs la toute première fois que j'allais en Chine. De Shanghai à Hangzhou, puis aux monts Huang et retour. Sauf que moi, ça m'avait pris 3 jours...
 
L'autre point intéressant est que Robert Fortune fut l'un des premiers occidentaux à visiter l'intérieur de la Chine. Il décrivait le crépuscule de la dynastie Qing : des fonctionnaires corrompus, des citadins abrutis par l'opium et des paysans misérables, livrés à eux-mêmes. La bureaucratie s'était complètement effondrée ; il n'y a plus d'argent pour entretenir les villes ou éduquer les enfants. Ce vide provoqua le retour de l'insécurité avec des bandits de grand chemin, des pirates et des trafics.
La Chine régressait, alors que l'occident accélérait avec l'entrée dans la révolution industrielle.

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