DMC sans "run"

Aux XVIIe siècle, les Français s'arrachaient les "Indiennes", ces tissus chatoyants venus d'orient. En 1686, le marquis de Louvois, successeur de Colbert comme surintendant de Louis XIV, fit interdire les importations de tissus. Afin de protéger les manufactures Françaises. Mulhouse, alors sous pavillon Suisse, imprima elle-même des Indiennes.
En 1746, Jean-Henri Dollfus créa une manufacture d'Indiennes. En 1800, son neveu, Daniel Dollfus, prit la suite. Grâce à son épouse Anne-Marie Mieg, il pu recapitaliser l'entreprise. D'où le nom Dolfus-Mieg & Cie (DMC.)
Le textile apporta un écosystème à Mulhouse : la chimie (pour mieux teindre les tissus) et la construction mécanique (pour fabriquer les meilleurs métiers à tisser.)

A la révolution industrielle, Mulhouse était "la ville aux mille cheminées". Les Dolfus firent parti des familles de notables de Mulhouse. Quatre Dolfus furent maire de la ville...
 
Mais ça, c'était il y a longtemps. DMC a subi la concurrence Asiatique. Ses magasins Loisirs & Création n'ont pas permis de redresser la barre.
Liquidée en 2009, la société redémarra grâce à Bernard Krief Consulting. Désormais, elle appartient à Blue Gem Capital Partners.
Des 16 000 employés, dans les années 1970, il n'en reste plus que 300, dans un unique bâtiment. Ca me rappelle ABB à Champagne-sur-Seine...

Tout autour, ce ne sont plus que d'immenses friches industrielles. Les bâtiments en briques rouges, dont beaucoup datent du XIXe siècle, ont fier allure.
 
C'est un vrai musée à ciel ouvert du bâtiment industriel. De Germinal aux Temps Modernes. Ou comment on a cherché à remodeler l'espace en fonction des méthodes de production. Sans oublier des réflexions sur le stockage et la logistique (entrante et sortante) tels ces quais à mi-hauteur, taillés pour les premiers camions, plus bas.

A Mulhouse, il n'y a pas que DMC qui a réduit la voilure. Il y a aussi eu le long déclin de la SACM. Le Finlandais Wärtsila ne possède qu'une ombre de l'ancien site. Peugeot est bien l'un des seuls gros employeurs.

 
Avec 28,5% de chômeurs (contre 11%) au niveau national, Mulhouse a une triste mine. Dès qu'on s'éloigne de la gare et du Nouveau Quartier, on croise surtout des friches et des magasins à vendre de longue date. Même le centre commercial de Porte Jeune est à moitié occupé (ou à moitié vide, c'est selon.)
 
En marge de Folie'Flore, on a pu voir Mulhouse Métamorphose. Cette exposition présente les différents projets de la ville, en matière d'équipement, de transports, de bâtiments, d'emplois, etc. Ils sont réparti dans des containers.

Cette exposition itinérante est désormais basée sur le site de DMC.
 
Après ma découverte du Mulhouse des chômeurs, je brûlais de voir les projets en matière d'emploi.
C'est la consternation. C'est la France des Marcheurs qui fait la leçon à celle des Gilets Jaunes.
Faire venir des industries ? Non, car ça pollue et les usines défigurent le paysage ! Alors on privilégie les start-up. Les start-up sont rarement pérennes et notre guide reconnait que les demandeurs d'emplois sont majoritairement non-diplômés. Donc exclus des projets. L'autre projet, ce sont des résidences d'artistes, comme le MoToCo. Mais pour les zonards, il y aura un lieu dédié aux "musiques actuelles" (traduction : le rap) avec un studio à l'accès libre. C'est juste condescendant.

Justement, peu après mon retour, j'ai lu un article brocardant la "start-up nation". L'économie n'a pas le droit à du développement durable. J'imagine les conseillers Pole Emploi de Mulhouse : "On a des postes d'ingénieurs en nanotechnologie trilingue, 48h par semaine, à 24k€ annuels... Sinon, vous pouvez aller enregistrer un album de rap."
 
Philippe Muray aurait adoré. Et derrière les containers, le fantôme de l'ancien réfectoire cyclopéen de DMC. Quand on pense aux générations d'ouvriers qui y venaient par milliers pour y manger une choucroute... 

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