Je suis fasciné par la Route de la Soie. C'est une histoire d'empires en compétition pour le contrôle de l'Asie Centrale, mais forcés de collaborer pour des raisons économiques.
Ferdinand von Richthofen conceptualisa la Route de la Soie. Il en tira une histoire très romancée de caravanes filant d'Extrême-Orient vers le Proche-Orient. C'était aussi l'histoire d'un métissage, alors qu'à cette époque -le Moyen-âge- l'Europe était recroquevillée sur elle-même.
Depuis une dizaine d'années,
la Chine s'est emparée du sujet. Elle y voit une preuve de sa puissance passé. Aussi, cela sert de justification pour une vassalisation de ses voisins. La Nouvelle Route de la Soie ne serait qu'un retour à un ordre pré-occidental.
Quid de la vision Arabo-musulmane ? Comment percevaient-ils la Route de la Soie ? Quels étaient leurs rapports avec une Chine impérial et impérialiste ? Comment voit-il l'avenir ?C'est avec intérêt que je me rendis à l'exposition de l'Institut du Monde Arabe.
L'âge d'or de la Route de la Soie eu lieu vers le XIIIe siècle. Les Mongols soumirent l'essentiel de l'Asie. De quoi créer des routes commerciales sûres, dont profita notamment
Marco Polo. Mais dès le XVI siècle, les Européens ouvrirent des routes maritimes. Ils purent ainsi transporter davantage de tonnage, plus rapidement et sans rémunérer d'intermédiaires. Entre temps, l'empire de Timour, qui avait succédé à l'empire Mongol, en Asie Centrale, implosa.
L'exposition nous emmène bien plus tard. L'émirat de Boukhara émergea à la fin du XVIIIe siècle. Lorsque les nomades de l'Ozbek prirent le contrôle de l'essentiel de la Transoxiane.
L'émir de Boukhara s'appuyait sur l'islam, le plus petit dénominateur commun de populations Turkophones, Perses, Indo-Pakistanaises et Chinoises.
Ce sont les Russes qui "vendront" par la suite cette émirat de Boukhara. C'était davantage une collection de cités, plus qu'un réel état homogène.
Les émirs de Boukhara développèrent le textile. Notamment les khalat, ces manteaux d'apparats.
Il y a également des robes. Suivant son âge, les femmes devaient porter des couleurs différentes. Sans oublier les bijoux. L'élément le plus convoité, pour les parures, étant les coraux (le pays étant à des milliers de kilomètres de l'océan Indien...)
L'exposition nous montre de nombreux khalat, faits de soie et de coton (pour la doublure) et tissés de fils d'or.
Ils témoignent de la prospérité de Boukhara.
Notez qu'ici, il possède des motifs zoroastriens.
La chaleur et le sable furent fatals aux anciens habits. Voilà pourquoi les plus anciens datent du XIXe siècle.
L'exposition, organisée par l'Ouzbékistan, aurait mérité davantage de représentations du passé.
L'émir de Boukhara prétendait être un héritier spirituel de Timour. D'où ces selles d'apparat pour des conquêtes imaginaires.
Au milieu du XIXe siècle, l'émir Nasrullah Khan fit exécuter des espions Britannique trop impudents. Son fils, Muzaffar bin Nasrullah ne put résister à une expédition Russe. Contrairement au khanat de Kokand, son rival, l'émirat ne fut pas tout de suite transformé en oblast. Il récupéra même certains bout du khanat. C'était le début de la fin, en 1920, Saïd Mir Muhammd Ali Khan, petit-fils de Muzaffar, fut déposé par les Bolchéviques. Il mourut en 1944, à Kaboul.
L'exposition nous parle presque exclusivement de Boukhara, pas de Samarkand, ni de Tashkent (qui faisait parti du khanat de Kokand.)
Elle est organisée par l'Ouzbékistan, qui a pas mal édulcoré l'histoire. Bien sûr, lorsqu'il énumère les richesses de l'émirat, il "oublie" le trafic d'esclaves. Pas questions d'évoquer le Turkestan, ce royaume panasiatique semi-mythique et devenu synonyme d'indépendance Ouïgours. Taboue aussi, la relation à la Chine, cette espèce de demi-frère, gros partenaire commercial (hier comme aujourd'hui), mais très envahissant (au sens propre.)
L'Ouzbékistan nous dépeint ainsi un pays indépendant et prospère, préfigurant l'actuel état.
En 1889, Tashkent fut reliée par la Caspienne par le rail. Après la Révolution Russe, les artistes en quête d'orientalisme débarquèrent là. Avec Staline, la perception des Ouzbeks changea. C'était des nomades misérables et arriérés. Mais Moscou allait les moderniser, de force ou de force !
L'exposition nous présente ainsi des toiles Russes dépeignant ces différentes visions. Certaines proviennent du musée Savitsky, le "Louvre des steppes".
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