Al Quds, la Palestine et la FNAC

Vous avez peut-être vu cette vidéo de Frank Tapiro. L'avocat fustige un livre pour enfant où l'état d'Israël est carrément effacé. Livre vendu par la FNAC. J'ai lu le livre en question (NDLA : c'est un livre pour enfants ; ça m'a pris deux minutes.)

La réalité est plus nuancée. Non pas "meilleure", mais "plus nuancée".

Le livre C'est quoi Al-Quds ? fait parti d'une série de livres pour enfants. Toute la série est sur un présentoir "fêtes religieuses", qui trône dans l'entrée de la FNAC où j'étais. 

Là où Frank Tapiro a raison, c'est que l'ouvrage est vraiment mis en évidence.

"Al-Quds" (ou "al Qods"), c'est l'un des noms arabe de Jérusalem (avec Urshalim.) L'éditeur, Al Bouraq, propose également un C'est quoi La Mecque ? et un C'est quoi Médine ?, qui ne sont pas en vente à "ma" FNAC. Première question : pourquoi est-ce que seule Jérusalem est présentée dans son nom arabe ?


Très vite, on tombe sur la page avec la fameuse carte. Ce n'est donc pas une infox.

En voyant la vidéo, on aurait dû tiquer. L'Oumma, cet espace géographique arabo-musulman est beaucoup plus vaste. Pourquoi ne s'étend-il pas au Maghreb, à l'Afrique de l'ouest, à l'Asie Centrale, etc. ?

On peut revoir cette carte, en gros plan, à la page suivante.

En fait, on comprend qu'il s'agit d'une carte du califat des Omeyades, au temps d'Omar. Du moins, il faut le deviner, car le livre est très mal écrit.

De toute façon, le terme de Palestine est complètement anachronique. Au fil des conquêtes, le beau-père de Mahomet mis sur pied treize provinces. Point de "Palestine", mais deux préfectures : Lliya (NDLA : déformation d'Ælia Capitolina, la colonie Romaine mise en place après la destruction du Second Temple) et Ramlah (aujourd'hui Ramla.)

A la limite, on pourrait dire que c'était dans le contexte du VIIe siècle. Sauf que la maitresse explique ensuite où se situe Jérusalem. Là, on revient à la géographie contemporaine (cf. les renvois à la France, l'Iran ou l'Arabie Saoudite.) De nouveau, le terme employé est "Palestine". L'ouvrage ne fait aucune mention d'Israël.

Oui, c'est écrit en Comic Sans. C'est dire le niveau de professionnalisme...


Le livre poursuit par une histoire très simplifiée de la mosquée Al-Aqsa et de l'esplanade des mosquées. 

Le prophète Ibrahim (Abraham) aurait fait construire la première mosquée. Elle fut détruite, puis reconstruite par Sulaymân (Salomon.) Les Romains arrivèrent, la mosquée fut abandonnée et les Juifs, chassés. Omar reconstruisit la mosquée.

A aucun moment, le récit ne parle de "temple" ou de "synagogue". Si on nie l'aspect hébraïque de la "première mosquée" et de la "seconde mosquée", on efface ainsi toute l'historicité des Juifs à Jérusalem. A lire le récit, Jérusalem/Al Quds (NDLA : le livre passe d'un nom à l'autre) aurait toujours été musulmane. A la limite, on pourrait même croire que ce sont les Juifs qui ont détruit cette "seconde mosquée". Bien sûr, aucune mention d'un certain fils de charpentier barbu, non plus. Par contre, les dates sont précisées en "Avant J-C" ou "Après J-C".

Accessoirement, on peut pouffer de rire en voyant ces ouvriers du VIIe siècle en pantalons...

Le livre expliqua que non seulement Omar construisit la "troisième mosquée", mais qu'il fut l'instigateur de toute l'esplanade des mosquées. Omar étant un personnage clef du sunnisme. Et à l'issue des croisades, le sultan Malik permit à Jérusalem de redevenir arabe. Le récit s'arrête là, comme s'il ne s'était rien passé depuis. Et surtout pas la création de l'état d'Israël.

En pratique, ce serait bien après la mort d'Omar qu'une mosquée en dur fut construite. Le site fut plusieurs fois détruit, agrandi et reconstruit. L'esplanade actuelle, avec sa mosquée au dôme en or, ne remonte qu'à 1920. Gag : c'est Mussolini qui avait fourni le marbre au Grand Mufti de Jérusalem.
Aussi, le règne du sultan Malik fut très éphémère. Les Mamelouks prirent la suite et Jérusalem fut ensuite turque pendant plus de six siècles. Soliman le Magnifique eu d'ailleurs un rôle important dans la restauration et la modernisation de la ville.
En résumé, ce livre est truffé d'erreurs, d'oublis, de raccourcis et d'anachronismes. Sur la forme, c'est très mal écrit. On change d'époque sans préavis. Même un sunnite militant s'en arracherait les cheveux. Pourquoi est-ce que la FNAC vend ce travail d'amateurs ? 

Puis en bas de page, comme ça, on a la position d'al-Quds, aujourd'hui. Le pays est en vert, donc on peut supposer que l'auteur voulait représenter la Palestine. Une Palestine qui intégrerait curieusement le plateau du Golan, au nord-ouest.

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