Maison & Objet

J'ai reçu une invitation au salon Maison & Objets, un salon spécialisé dans les objets décoratifs. Il est réservé aux professionnels, notamment les acheteurs des grandes enseignes.

Il y a pas mal d'objets sympas. Si j'avais pu, j'aurais pris un caddie pour en embarquer quelques uns... Mais le plus rigolo à photographier, ce sont les trucs bien kitsch, comme cet intérieur façon XVIIIe, mais en métal doré et en contreplaqué...

J'avoue que je n'y connais pas grand chose, au marché des objets décoratifs. En même temps, le fait d'être un novice m'a permis d'avoir un recul certain. Je venais là en touriste, pas en professionnel.

Clairement, d'un stand à l'autre, on voyait des tendances se dessiner...

La première tendance qui saute aux yeux, c'est les statues de bouddhas. Bouddha debout, assis, en pleine méditation... Un statuaire hindou, avec des éléphants et quelques dieux.

Les puristes hurleront, car bien sûr, les vendeurs mixent époques et lieus. Comme ici, où l'on a pêle-mêle, bouddha, éléphants et lion-gardiens Chinois.

L'autre point, c'est que souvent, les statuettes doivent avoir un aspect ancien, voir dégradé. Ici, les statues sont accompagnées de fausses portes et de fausses colonnes décrépies. On veut son propre Angkor Vat chez soit ! La tête de bouddha féminisée (comme si le reste du corps n'avait pu être sauvé) est visiblement un gros succès (d'ailleurs, j'en ai vu depuis chez Auchan.)
D'autres proposent d'habiller les statues d'un bâti en bois, pour faire croire qu'elles viennent d'arriver, après un long voyage et qu'elles sont encore protégées...

Globalement, il y avait presque tous les styles exotiques : tables d'ébènes africaines, paniers multicolores Sud-américains, représentations de samouraï japonisants... De quoi donner l'impression que l'on a parcouru le monde ! Et beaucoup, beaucoup de choses de style chinois. A savoir meubles laqués et faux-vases Ming.C'est la deuxième tendance "ethnique", après l'Inde.
Le gag, c'est que tous ces stands sont Européens et qu'ils distribuent des produits fabriqués en Europe. Il y avait un stand Indien, néanmoins c'était bien le seul à ne pas vendre des statues de bouddha !

Parfois, vous avez des situations complexes, comme ces tapis à dragons, d'un stand Italien, mais tenus des Chinois. En résumé, de faux-Italiens distribuant du faux-Chinois. Les mathématiques et la grammaire nous disent que deux négatifs, cela fait un positif. Alors ici, on obtiendrait du vrai. Mais du vrai quoi ?
Mon impression générale, c'est que le quidam de 2019 veut tout, tout de suite. Il n'a plus envie de chiner dans les brocantes, voire de parcourir le monde pour trouver des objets. Il faut que les objets du monde entiers soient au magasin au coin de la rue, voire sur internet (et sur un site ayant pignon sur rue.)

Dans le même temps, il veut aussi renouveler régulièrement son intérieur. Peu importe si ce sont des objets de qualité moyenne; ils n'auront pas le temps de vieillir.

D'un autre côté, il ne veut pas des objets trop "neufs".

D'où ce style faussement ancien, voire faussement récup'. Comme si l'on avait réhabilité le mobilier d'une vieille usine. Par exemple, cette table (neuve) donne l'impression d'avoir été créée à partir d'une ancienne table à dessin, avec des roulettes factices et ce volant qui tourne dans le vide. Et pour l'accompagner, quoi de mieux que ce tabouret "industriel" ?

Le style nouveau riche se porte bien. Dans les allées, cela parlait beaucoup russe et mandarin. Les Novye Russkie et autres Fu Er Dai sont à la recherche de luxe ostentatoire. Et puis, il y a la tendance "rich kids on Instagram" : il faut afficher sa réussite supposée, pour attirer les followers. Parce qu'évidemment, un compte "ma vie de rmaste", ça n'aurait pas beaucoup de succès...
Le gag, c'est que désormais, le Trésor Public écume Instagram et les comptes de ces influenceurs supposés richissimes. Du coup, certains doivent admettre que non, les voitures, villas et autres bouteilles de champagne qu'ils ont pris en photo ne sont pas à eux.

En attendant, tant pis pour la finition ou le côté pratique, ce qui compte, c'est l'aspect. Il faut juste que ça rende bien sur un selfie. Comme ce seau à champagne en fausse-fourrure. Parce qu'un seau normal, ce ne serait pas assez ostentatoire. Faite plein de photos de votre champagne emmitouflé (en le bougeant pour le prendre sous tous les angles) et chauffez-le à la lumière d'un spot, avant de l'ouvrir...

Il y avait un stand de la filiale "maison" d'un couturier italien, qui était presque caricatural. Entre les objets en toc, l'interdiction de prendre des photos, les vigiles à l'entrée (comme si vous allez repartir avec une table sous le bras...) et les hôtesses dédaigneuses à l'entrée...

Le mauvais goût peut être fascinant, parce qu'il en dit beaucoup sur la personnalité de l'acheteur. Parfois, l'acheteur veut sembler cultivé. Tant pis si sa "culture" se limite à quelques citations et quelques photos. C'est un vrai Monsieur Jourdain moderne.

Frida Kahlo est ainsi désormais une "source d'inspiration". Et bien sûr, Pénélope Bagieu en a fait l'une de ses Culottées.
Elle est déclinée en posters, en coussins, en tee-shirts... Ses ayant-droits ont empêché la commercialisation au Mexique d'une Barbie-Frida Kahlo (que Mattel a néanmoins pu diffuser aux USA.) Une poupée Barbie... Un comble pour cette Marxiste convaincue, un temps amante de Leon Trotski !
L'ultime ironie, c'est que l'effigie de cette femme stérile (ce qu'elle évoqua dans ses autoportraits) se retrouve sur des trousses et une dinette pour petite fille !
 

Je vous quitte sur cet oreiller Che Guevara ¡Hasta la siesta siempre!

Si ce n'est pas votre style, sachez qu'il y en a aussi aux couleurs de Freddy Mercury, Bono, David Bowie et... Silvio Berlusconi !

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Choky

Chine, terre d'islam

Corona-chan

Dan Latif - Regards urbains 2

Le Roséy