Karl Marx avait tort
Samedi dernier, Karl Marx aurait eu 200 ans. Le New York Times signa un article au titre provocateur : "Happy birthday Karl Marx. You were right." Evidemment, c'est un putaclic, davantage digne de Buzzfeed que d'un vénérable journal.
De toute façon, Marx avait tort.
Marx est le philosophe de la deuxième révolution industrielle. Au milieu du XIXe siècle, les états d'Europe occidentale connurent des transformations sociales et sociétales radicales.
Les grands gagnants, c'était la bourgeoisie citadine. Elle avait les capitaux, la formation, le réseau et l'aventurisme économique pour anticiper la nouvelle donne.
Les grands perdants, c'est d'abord l'aristocratie féodale. Incompétente et inadaptée, elle fut balayée par le parlementarisme et la bureaucratie. Le clergé perdit son monopole dans la gestion de l'état-civil, l'éducation et la santé (face à la professionnalisation de l'enseignement et de la médecine.) Elle n'avait même plus le monopole des festivités, avec le boum des loisirs urbains. Surtout, les découvertes scientifiques et archéologiques faisaient voler en éclat les dogmes. Mais bien sûr, Marx n'allait pas les pleurer... Le philosophe était davantage inquiété par la disparition des artisans indépendants. La révolution industrielle toucha le textile, la métallurgie, le transport (maritime, puis ferroviaire), l'armement (avec la notion de production en série), le génie civil et plus tard, la pharmacie et l'agro-alimentaire... A chaque fois, les artisans indépendants se faisaient dépasser par des machines et surtout, on les remplaçait par des ouvriers interchangeables et travaillant dans des conditions déplorables. Tout cela pour le bénéfice des grands patrons.
A partir de là, Marx énonça des dogmes.
La première erreur, c'est qu'il n'avait pas prévu que les transformations allaient se poursuivre. Au fur et à mesure que les produits industrielles se complexifient, il fallait des contremaitres, des dessinateurs, des ingénieurs, des employés de bureaux, puis des cadres administratifs... Bref, une classe moyenne. Sans oublier les patrons de PME. Le discours antipatron de l'extrême-gauche, de NPA à LFI, a du être nuancé. Car les ouvriers n'ont pas d'animosité envers un patron de PME qui mange avec eux le midi et qui est écrasé par la mondialisation. De plus, il y a ces patrons cools, en tee-shirt. Les Mark Zuckerberg, Jeff Bezos, Xavier Niel ou autrefois, Michael Dell, Bill Gates et Steve Jobs. Ce sont les héros des jeunes. Elon Musk répond aux tweets de ses fans et il envoi un cabriolet dans l'espace ! C'est presque une star ! Ce n'est plus le patron avec haut de forme, qui s'enferme dans son manoir et vouvoie sa femme ! D'ailleurs, ces patrons cools n'ont pas d'ouvriers. Tout est sous-traité loin des caméras... Certains sont persuadés que les ouvriers Chinois qui fabriquent leurs iPhone sont aux 35h et qu'ils ont cinq semaines de congés payés. De toute façon, ils s'en foutent ; c'est un impensé.
L'idéal ouvrier, ce n'est pas le bonheur collectif. C'est le bonheur individuel, débridé et si possible, immédiat.
La seconde erreur, c'était l'analyse des migrations. Pour Marx, les premières migrations transeuropéenne étaient un moyen, pour le patronat, de faire pression sur les salaires. Face à cette concurrence, les ouvriers devaient se serrer les coudes. C'est le fameux "prolétaires de tous les pays, unissez-vous."
Or, le XIXe siècle fut aussi l'émergence de la nation. D'un récit collectif commun. Lorsqu'une usine est délocalisée, les ouvriers n'ont aucune empathie pour leurs remplaçants. Ils en ont davantage pour un patron Français. Et aujourd'hui, face à un capitalisme hors-sol, le discours "no border" ne passe plus chez les ouvriers. Les populistes de droite recrutent à tour de bras dans les anciens bassins ouvriers, qui se considèrent -à tort ou à raison- comme les perdants de la mondialisation.
La troisième erreur, c'est que Marx n'avait étudié que l'Europe de l'ouest. Pourtant, il énonçait des dogmes universels, sans prendre en compte les particularisme culturels, voire individuels.
Puisque Marx avait forcément raison, chaque mouvement protestataire était forcément une lutte des classes. Les néo-marxistes ont donc tenté de récupérer tous les mouvements. D'abord, le mouvement des droits civiques, aux USA, puis les mouvements gays, les féministes, les antiracistes et enfin les djihadiste. Avec la "convergence des luttes", les néo-marxistes désignent en creux un ennemi commun : l'homme blanc hétéro, éternel oppresseur à travers les âges. Et c'est comme ça qu'Edwy Plenel présente les frères Kouachi comme des victimes ou que l'on enfante des monstres comme le PIR... Bien sûr, ce discours doloriste ne passe pas auprès des ouvriers. De toute façon, non, il n'y a pas d'objectif unique.

Commentaires
Enregistrer un commentaire