Afghanistan
Je suis né en 1978 et j'ai toujours connu un Afghanistan instable.
Le rêve post-taliban de 2002, c'était de repartir de zéro. Ouvrir le robinet d'aide pour bâtir un Afghanistan stable, multi-ethnique, développé économiquement et socialement. Que la nouvelle génération connaisse autre chose que la guerre.
Pendant 20 ans, on a tenu à bout de bras le pays, avec mille milliard d'euros d'aides. On a arrosé complaisamment des chefs de guerre "pro-occidentaux". Quitte à fermer les yeux sur la pusillanimité de certains avec les taliban, les trafics de drogue, la pratique des batcha bazi...
Aujourd'hui, une grosse moitié des Afghans et un gros quart des Afghanes sait lire et écrire. 47% de la population Afghane vit sous le seuil de pauvreté. L'espérance de vie est d'environ 45 ans. Un tiers de Afghanes seront mariées avant d'atteindre 18 ans. 46% des épouses Afghanes se sont faites violées par leur mari, ces 12 derniers mois.
C'était un bourbier. Les occidentaux tenaient à bout de bras des leaders à la fois corrompus et incompétents. Les taliban reprenaient du poil de la bête. Ils ont surfé sur l'impopularité des inféodés des occidentaux. Ils profitent aussi de la manne financière pakistanaise, issue de la dîme prélevées sur les contrats Chinois. Pour sécuriser le pays, il aurait fallu toujours plus de soldats, toujours plus d'équipements. La soi-disant armée Afghane s'est auto-dissoute sans combattre. Avec cynisme, Donald Trump et Joe Biden ont refilé le bébé à la Chine et aux Russes.
La Chine veut uniquement passer des contrats. Mais désormais, les taliban contrôlent le corridor du Wakhan. Le col du Wakhjir, qui fait la frontière avec la Chine est réservé aux alpinistes Chevronnés. Mais derrière, il y a le Xinjiang... La Chine a toujours craint/fantasmé une porosité entre les taliban et les Ouïghours. De même l'Ouzbékistan -et dans une moindre mesure, le Tadjikistan- craignent une contagion. Ils ont appelé l'ex-grand frère Russe à la rescousse. Chinois et Russe vont devoir jouer les gardes-frontières, voire plus. La Russie pourrait ouvrir une base, comme elle l'a fait en Syrie, pour maitriser l'espace aérien. La Chine compte ouvrir des mines et bâtir des infrastructures. D'ordinaire, les ouvriers Chinois sont livrés à eux-mêmes. Mais face au danger, la Chine pourrait envoyer des forces armées (privées ? publiques ?) pour sécuriser les sites. Ce serait le retour des mercenaires, à faire passer ceux du Katanga ou de Namibie pour des droit-de-l'hommistes...
Globalement, on peut noter un effondrement du monde arabo-musulman. En Irak, au Yémen, en Libye et en Afghanistan, l'état s'est liquéfié. La Syrie, la Tunisie et le Liban sont au bord de l'implosion. Les Néo-cons de George W Bush rêvaient d'un Moyen-Orient composé d'état laïcs et modernes. Aujourd'hui, c'est carrément le concept de pouvoir central, avec une autorité civile, qui est remis en cause. Il n'y aurait plus qu'une collection de petits émirats, confessionnellement homogènes et soumis au droit coutumier. Le tout sous le parapluie très théorique d'une organisation étatique, comme l'était l'empire Ottoman, à la fin du XIXe siècle. On retourne à un point avant Sykes-Picot, avant Lawrence d'Arabie, avant Tcherniaïev...
Certains diront qu'après tout, nos républiques sont des créations d'occidentaux, pour les occidentaux. Que cette régression complète correspond davantage au concept d'Oumma. Les optimistes diront que les choses finiront par se tasser. Qu'à l'instar des mollahs iraniens, les islamistes sunnites finiront par rentrer dans le rang. Les taliban version 2021 feront un minimum d'effort pour s'insérer dans la communauté internationale. Certains proposaient même, il y a peu, de reconnaitre l'Etat Islamique comme entité étatique. D'autres soulignent que ce genre de vide est propice à l'éclosion de groupes terroristes. Les taliban n'ont pas de vocation internationale, par contre, ils pourraient servir de base arrière, comme ce fut le cas avec Al-Qaïda.
Bref, rien de très réjouissant.
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