En matière de patriotisme et d'unité nationale, les pays Asiatiques auraient des leçons à donner à l'Europe. En particulier à la France. Car on file vers un gros problème...
L'an dernier à Kuala Lumpur, j'avais été surpris du nombre de drapeaux, à un mois de la fête nationale.
Cette année, l'Indonésie fête les 80 ans de son indépendance. Ils sont eux aussi au taquet. Les drapeaux rouges et blancs sont omniprésents. On ne sait pas si les échoppent vendent des drapeaux ou si elles affichent leur patriotisme !
On a laissé la gauche définir notre rapport à la nation. En janvier 1995, alors que François Mitterrand débutait une interminable tournée d'adieu, il déclara à Strasbourg : "Le nationalisme, c'est la guerre." Douze ans plus tard, Ségolène Royal, fille d'officier, voulu promouvoir un PS patriote. Et d'aucuns s'émurent à gauche de l'omniprésence des drapeaux français. Quelques mois plus, Nicolas Sarkozy ouvrait un ministère de l'Identité Nationale. Face au tollé permanent, à gauche, Brice Hortefeux avait peur de son ombre.
Globalement, le patriotisme est perçu comme du réactionnisme, du repli sur soit, voire un racisme déguisé.
La tendance française est de regarder l'histoire de France à l'aune des valeurs de 2025. Le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte fut donc très discret. L'empereur ayant rétabli l'esclavage, il s'est comporté en despote et c'est un macho. Idem pour les 80 ans de l'appel du 18 juin. Les historiens n'ayant pas oublié le Charles de Gaulle de 1968, réactionnaire et tenté par une personnalisation du régime.
Les Indonésiens ont beaucoup moins de scrupules. Le 17 août 1945, ce n'est pas l'indépendance formelle de l'Indonésie et les circonstances furent pour le moins trouble...
En Asie du Sud-Est, l'armée impériale fut sanglante. Les populations locales étaient considérées comme "inférieures". Les jeunes filles étaient raflées pour entretenir des maisons closes pour soldats. La moindre personne appartenant à un mouvement de résistance était exécutée. Le travail forcé était la norme. Et plus généralement, les Japonais pillaient, torturaient, violaient et tuaient à leur bon vouloir.
Néanmoins, le Japon encourageait les mouvements anticoloniaux, à condition qu'ils ne s'en prennent pas aux Japonais.
A l'été 1944, les deux dernières grandes offensives, en Chine et en Inde, furent des échecs. Désormais, l'armée Impériale n'était plus que sur la défensive. Les Américains avaient percés la première ligne de défense du Pacifique, puis ils franchirent la seconde. La pression sur les Phillipines allaient crescendo. Dans les Indes Néerlandaises, les Japonais négocièrent avec les autochtones. Ces derniers obtenaient des postes à responsabilités dans l'administration et une autonomie certaine. De quoi permettre aux Japonais de redéployer ses troupes.
A l'été 1945, les Américains débarquèrent à Bornéo. Cela permit de couper le front japonais en deux. Les Indonésiens profitèrent du flou pour déclarer la République d'Indonésie. Batavia était renommée Djakarta.
Les Pays-Bas sortirent de la guerre lessivée. Les troupes nazis avaient résisté, village par village, alors que dès l'automne 1944, les Alliés étaient présents sur le sol Néerlandais. L'isolement de la poche néerlandaise créa une famine à l'hiver 1944-1945. Les combats se poursuivirent jusqu'à 8 mai et même au-delà. Les nazis maintenant le siège de cosaques nazis s'étant mutinés.
Les Néerlandais débarquèrent très tard à Djakarta. Il la renommèrent Batavia et prétendirent poursuivre la colonie. Néanmoins, ils étaient face à des faits accomplis. Après une série de négociation, l'Indonésie devint officiellement indépendante le 27 décembre 1949.
Notez au passage que les 80 ans de la proclamation unilatérale sont aussi une célébration de Sukarno. Le père de l'indépendance Indonésienne fut un autocrate, qui mit en place des mécanismes de corruption et de prédation. Dire qu'en France, on a des scrupules à célébrer De Gaulle ou Napoléon...
L'un des arguments de la gauche anti-France, c'est que de toute façon, la plupart des Français actuels sont fils ou petit-fils d'immigrés. Ils n'ont aucune historicité en France. De toute façon, historiquement, la France actuelle ne s'est formée que sous la IIIe République. Et elle s'est créée à l'insu des Bretons, des Gascons, des Bourguignons, etc.
Que dire de l'Indonésie ?
Le terme "Indonésie" n'est pas dérivé d'un mot indonésien. C'est un néologisme formé de "Inde" et du mot grec pour île, nesos. Il n'y avait pas d'empire pré-colonial dans l'actuelle Indonésie. Il y a eu des royaumes chrétiens, puis Chinois sur certaines parties et ils ne sont formés qu'au haut moyen-âge. De toute façon, l'Indonésie ne se revendique pas de la continuité d'un régime pré-colonial.
Les Néerlandais accostèrent à Bantam, à l'ouest de Java, en 1602. Après une bataille avec le roitelet local, la Compagnie des Indes Néerlandaises créa la ville de Batavia.
Ce sont les troupes Britanniques, Néerlandaises, Espagnoles et Portugaises qui tracèrent les frontières de l'Asie du Sud-Est. Séparant notamment Bornéo en deux - après en avoir exclu les Philippins pourtant historiquement présents sur place -, tout comme la Nouvelle Guinée. Ce sont les Néerlandais qui ont réunis les îles de Sumatra, de Java, Bali, les Moluques, l'archipel de Riau, un bout du Timor, l'essentiel de Bornéo et donc la moitié de la Nouvelle Guinée. C'est la VOC qui imposa à une mosaïque de peuples de parler le malais de Riau, lingua franca de l'aristocratie et des marchands de l'asie du Sud-Est. La VOC en imposa une transcription en alphabet latin.
Puis ce furent les Japonais qui posèrent les bases de l'Indonésie. Ils suggérèrent aux mouvements indépendantistes de revendiquer l'ensemble des Indes Néerlandaises. Ils entérinèrent le malais de Riau comme langue indonésienne.
Et malgré tout, les Indonésiens se revendiquent Indonésien, point. Idem pour la Malaisie, Singapour ou les Philippines, autant de création de colons faisant fi des particularisme locaux.
Dans les années 2000, des mouvements islamistes transnationaux proposèrent un redécoupage de l'Asie du Sud-Est. Ces mouvements ne prirent pas dans la population et ils finirent par devoir déposer les armes.
Emmanuel Macron souhaite un réarmement de la France, face aux menaces Russes ou Chinoises. Mais ce réarmement doit être idéologique.
Aujourd'hui, les spots de pubs de l'armée disent : "Engagez-vous ! Vous allez partir en OPEX et ça sera un call of' live !"
Le jour où les soldats seront engagés dans une guerre de haute intensité, leur moral fondra comme neige au soleil. Ils se battent pour défendre qui ? Contre quoi ? En face, par contre, ils auront des soldats qui savent pourquoi ils se battent. Les Russes, les Chinois, les Américains, etc. ils ont une idéologie. Bien sûr, c'est de la propagande. Mais leurs soldats foncent vers le combat ! Et ce combat se fait également via la désinformation : "Vous, les occidentaux, vous parlez de démocratie, de liberté, mais vous faites ceci et cela..." Avec le risque que nos soldats, démoralisés, ne finissent par déserter, voire à rejoindre l'ennemi.
Pour les 80 ans de l'indépendance, les lycéens vont défiler en uniforme, aux couleurs du drapeau, en chantant des chants patriotiques ! Ca serait absolument impensable en France. D'aucuns crieraient au retour des Hitlerjugend !
Mais après tout, c'est quoi, être Français ? Que sont les valeurs de la France ? Qu'est-ce qui différencie un Français, d'un Italien ou d'un Chinois ?
Jean-Luc Mélenchon a déclaré qu'on est Français parce qu'on dispose d'une carte d'identité française, point. En Allemagne, la naturalisation est compliquée et le droit du sang reste la norme (un héritage de la République de Weimar.) Les Allemands préfèrent substituer le terme de résidant (Einvolker) à celui de peuple (Volk), car il permet d'inclure les immigrés.
Définir ce que l'on est, cela signifie poser des limites et exclure ce qui ne le sont pas. L'Ancien Régime était particulièrement accueillant avec les étrangers. Mais à la Révolution, avec la création de la République Française, l'étranger fut immédiatement marginalisé. Le XIXe siècle, l'émergence des états-nations entraina dans sa roue les premiers mouvements nationalistes.
L'occident d'aujourd'hui n'ose donc plus tracer une frontière nette. Depuis 1945, plutôt que de renouveler la définition, on l'a laissée en friche.
On peut comprendre que dans ce vide, les immigrés et leur descendants se construisent une identité à la carte. Notamment les bruyants DZ. Une nationalité de cœur, avec laquelle on entretien une relation personnelle - fût-elle très idéalisée - et une nationalité française qui offre des avantages concrets.
Le dernier point, c'est le temps long.
Nos sociétés occidentales sont marquées par la jouissance immédiate. Quel que soit la tranche d'âge, la catégorie sociale ou l'origine ethnique. Ce qui compte, ce sont ses besoins à un instant t. Je suis jeune, donc je milite pour les droits des jeunes ; demain, je suis retraité et donc je milite pour les retraités. Il n'y a aucune empathie, aucune projection.
Le patriotisme, c'est aussi la primauté du nous sur le je. Savoir qu'il existe quelque chose de plus grand que soi-même, qui continuera d'exister après nous. C'est aussi ça qui pousse le soldat, sous la mitraille. Ce que les militaires appellent pudiquement le sacrifice ultime.
Nos sociétés refusent de promouvoir cette espèce de catéchisme républicain. Alors qu'en parallèle, on nous bassine avec l'état du monde en 2100 ! "Ne cédez pas à la tentation de la climatisation", pour reprendre une manchette de La Croix. L'état de la France en 2100, on s'en fiche. Par contre, faites pipi sous la douche et changez votre slip tous les deux jours ! Et LFI renchérit en disant : "Tenez telle position sur les LGBT, sur les immigrés, sur Gaza, car c'est le sens de l'histoire et vos enfants vous jugeront !" A croire que tout ces gens reviennent du futur.
On voit bien qu'il y a tout un logiciel à remplacer.
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